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Interview

C’est d’abord la lumière qui happe dans la peinture de Karine Bartoli.

 

Avant de rencontrer Karine Bartoli, c’est sa peinture que j’ai rencontrée ou plutôt qui est venue m’éclabousser, au détour d’un site.

 

Éclabousser est le mot exact tant la sensation était physique de radiation et de plénitude. Un rayonnement pur, intense comme la caresse du soleil et l’abandon serein et total du corps au cœur du plein été.

 

« L’éternité c’est le soleil et la mer » disait Rimbaud et une bribe de cette éternité venait de traverser l’écran.

 

C’est ainsi que j’ai rencontré le travail de Karine Bartoli, que j’ai suivi de près avant de la rencontrer et d’avoir le privilège de visiter son atelier.

 

C’est par une fin d’après-midi d’hiver que Karine m’a reçu avec une chaleur contrastant avec la météo.

 

Perché en hauteur d’un bel immeuble de la petite ceinture de Paris, son salon, doté d’une belle verrière fait également office d’atelier et la lumière y est incroyable. Même en plein hiver, même en fin d’après-midi, on a cette impression littérale d’entrer dans un bain de lumière, tant cette dernière y est généreuse, enveloppante et pleine.

 

Les tableaux soigneusement exposés, les pinceaux, les bocaux, la peinture méticuleusement alignés, la toile en cours recouverte d’un tissus immaculé, posés dans cette lumière m’accueillent.

Et c’est dans cette impression d’arriver dans une parenthèse d’été perpétuel que Karine Bartoli répond à mes questions.

 

Depuis quand peins-tu ?

 

« Je peins depuis la sortie des Beaux-Arts en 1997 à Marseille et je n’ai depuis jamais arrêté. 

Il y a eu certes quelques petites interruptions, comme quand je suis montée à Paris pour travailler. Les débuts se sont faits dans de petits studios forcément, donc des lieux qui ne se prêtaient pas à peindre par manque d’espace.

Cette période a toutefois été ponctuée de jolies expériences comme la location d’un espace dans un squat attribué comme atelier dans le cadre d’un projet de la ville. C’était un squat d’artistes en plein Paris, avec beaucoup d’expérimentations et d’explorations et le projet est un très beau souvenir.

 

Puis il y a eu cet appartement, et depuis notre installation j’y peins tous les jours. »

 

Pourquoi la peinture plus qu’autre chose ?  

 

« Depuis toute petite je dessine beaucoup. À un moment j’ai laissé les feutres pour les pinceaux, avec les petits ronds de gouache, les premiers dessins faits comme ça avec cette peinture je m’en souviens très bien ; puis ma mère m’avait offert pour Noël un chevalet 

avec des tubes de peintures et des pinceaux, ça a dû être sûrement le début d’une pratique, d’une passion.

Elle ne s’est jamais interrompue du coup, puisque même aux beaux-arts, où les projets sont décloisonnés et complètement ouverts et où l’on peut faire absolument ce qu’on veut de la sculpture aux installations ou même l’écriture, je me suis naturellement dirigée vers la peinture et l’image.

L’image et la lumière sont les deux constantes de ce qui filtre mes ressentis. »

 

Tu peins beaucoup ? À quelle fréquence ?

 

« Je peins tous les jours, ça fait complètement partie intégrante de mon quotidien. »

 

 

Tu as toujours peint la mer ?

 

« Non, mais depuis que je vis à Paris (elle est originaire de Corse et vit à Paris depuis une vingtaine d’années), elle me manque tellement qu’en la peignant, elle est un peu avec moi, les calanches de Piana, l’anse de Porto mais aussi Formentera, un paradis préservé aux eaux translucides et à la lumière incroyable.

Mais je peins aussi les rues des villes comm Rome, Ajaccio, Paris où parfois même des gens étendus dans un espace naturel comme ma dernière série.

Mais même si les sujets sont très importants, la lumière s’impose comme élément central de tous mes tableaux. »

 

Comment nait l’envie d’un tableau, comment te vient le désir d’une nouvelle peinture ?

 

« C’est une inspiration qui part souvent d’une photo, que je prends moi-même. Ce sont donc des moments, des sensations et des émotions que j’ai ressentis.

Le début du tableau nait dans cette envie de retenir ce qu’une photo en particulier me fait ressentir, quand elle me donne de l’énergie, j’ai envie d’en parler, elle devient alors le début d’une toile et se transforme devient autre chose, un autre ressenti.

Quand j’ai choisi mon sujet, j’ai envie de retranscrire ce que je ressens moi, l’image est alors un filtre, une capture d’un moment que j’ai saisi, aimé et retenu, et j’essaie de le transmettre avec les émotions qui m’ont traversé.

 

La mer capture la joie pour moi et j’aime l’idée de transmettre cette émotion, on a un lien indicible avec la lumière. »

 

Dans cet atelier cette dernière phrase déploie tout son sens et c’est avec la même sensation quand de quitter à regret sa dernière crique, son dernier bain d’été que je remercie Karine Bartoli de m’avoir reçue avant de repartir dans l’hiver parisien.

S. Masteri

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